La fausse facture est une des tromperies les plus anciennes, et paradoxalement, une des plus efficaces. Aujourd’hui encore, des milliers d’entreprises s’y font piéger chaque année. L’essor de la dématérialisation et des paiements en ligne a rendu la fraude plus discrète, mais aussi plus rapide.
On imagine souvent la fraude comme quelque chose de spectaculaire : un piratage, un détournement massif, une manœuvre financière complexe. Mais la réalité est souvent beaucoup plus ordinaire. Parfois, la fraude tient simplement à un document en apparence banal : une facture.
Une feuille de papier, ou un fichier PDF, qui semble tout à fait légitime… jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’elle ne correspond à rien de réel.
Dans ce contexte, comprendre comment fonctionne une fausse facture, et surtout comment s’en protéger, n’est plus une option. C’est devenu une compétence essentielle.

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Qu’est-ce qu’une fausse facture ?
Une fausse facture, c’est un document falsifié ou entièrement inventé dans l’intention de tromper. Elle peut prétendre représenter une vente, une prestation, une livraison… mais dans les faits, rien de tout cela n’existe.
Certains faussaires vont jusqu’à copier des modèles existants, reproduire des logos et imiter des signatures pour donner l’illusion de légitimité. D’autres modifient simplement un chiffre, un RIB ou un nom.
Il existe deux grandes motivations derrière ces manipulations :
- Financières, quand le fraudeur veut encaisser de l’argent indûment ;
- Fiscales, quand il cherche à dissimuler des revenus, gonfler des dépenses, ou blanchir des fonds.
Cette pratique, bien que banale sur le papier, entre directement dans le champ de la fraude comptable et fiscale. Et la loi, sur ce point, ne laisse pas place à l’ambiguïté : c’est un délit.
Les différentes formes de fausses factures
Il n’y a pas une seule manière de trafiquer une facture. Certaines fraudes sont grossières, d’autres extrêmement subtiles.
| Type de fausse facture | Description | Exemple |
|---|---|---|
| Facture fictive | Créée sans qu’aucune prestation n’ait eu lieu | Une société facture un audit inexistant |
| Facture gonflée | Les montants sont volontairement exagérés | Un fournisseur double discrètement ses tarifs |
| Facture modifiée | Détails réels changés après émission | Le RIB du prestataire est remplacé. |
| Facture dupliquée | Une facture authentique est utilisée plusieurs fois | Soumission répétée pour obtenir plusieurs paiements |
| Facture interne frauduleuse | Émise par un salarié complice | Ajout de frais inventés dans la comptabilité |
Certaines entreprises ne découvrent la supercherie que des mois plus tard, lors d’un contrôle ou d’une vérification fiscale. C’est souvent là que la facture fictive, soigneusement rangée dans les archives, refait surface.
Comment reconnaître une fausse facture ?
Il n’y a pas de recette magique. Mais il existe des signes qui, mis bout à bout, devraient faire lever un sourcil.
1. Des mentions légales incomplètes ou suspectes
Une facture authentique doit comporter la raison sociale, l’adresse, le numéro SIRET, la TVA intracommunautaire et les coordonnées du client. Une information manquante, mal formatée ou incohérente (comme une adresse qui ne correspond à rien sur Google Maps) doit mettre en alerte.
2. Une qualité de document douteuse
Une facture mal présentée, au logo flou, aux fautes d’orthographe visibles ou aux montants mal alignés, trahit souvent une création artisanale. À l’inverse, certaines arnaques sont si propres qu’elles paraissent trop “polies” pour être honnêtes.
3. Des détails incohérents
Un numéro de commande inconnu, un montant légèrement supérieur au devis, une date étrange… Ces anomalies sont souvent des indices. Beaucoup de fraudes jouent sur de petites sommes, justement pour passer inaperçues.
4. Des modalités de paiement inhabituelles
Un virement à effectuer à l’étranger, un changement soudain de RIB, une insistance à régler en espèces… Ces pratiques ne sont jamais anodines.
5. Une pression inhabituelle
L’urgence est l’arme favorite des escrocs. “Il faut payer avant ce soir”, “sans règlement, la livraison sera bloquée”. Plus la demande est pressante, plus elle mérite d’être vérifiée.
6. Une absence de contrat ou de commande
Si la facture ne correspond à aucune commande ou prestation identifiée, la prudence s’impose. Un simple appel au fournisseur peut suffire à lever le doute.
7. Une adresse e-mail étrange
Les excellents fraudeurs dans l’art du “presque”. Un “@fournisseur-officiel.fr” devient “@fournisseur-officieel.fr”. La différence est minime, mais lourde de conséquences.
Les risques encourus
Derrière chaque fausse facture, il y a deux types de victimes : celle qui paye, et celle qui est accusée d’avoir menti. Et les conséquences, dans un cas comme dans l’autre, peuvent être sévères.
Risque légal
En droit français, la fausse facture relève de la fraude et du faux en écriture. Les peines prévues vont jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende. L’administration fiscale peut en outre réclamer la restitution des montants perçus, majorés de pénalités.
Les dirigeants sont personnellement responsables : il ne s’agit pas seulement d’une faute “de l’entreprise”. Même en cas de négligence, la responsabilité pénale peut être engagée.
Risque financier
Payer une fausse facture, c’est perdre de l’argent sans contrepartie. Mais les conséquences peuvent s’étendre bien au-delà : frais juridiques, redressement fiscal, perte de confiance des investisseurs.
Et quand l’entreprise est soupçonnée d’avoir participé à la fraude, volontairement ou non, le coût peut devenir écrasant.
Risque de réputation
La réputation, dans le monde des affaires, se construit lentement et se perd en un instant. Une rumeur de fraude, même infondée, suffit à inquiéter les partenaires. Certaines sociétés passent des années à se remettre d’un simple soupçon.
Risque opérationnel
Une fraude interne, même mineure, peut éroder la confiance dans les équipes. L’audit qui s’ensuit perturbe souvent la production, bloque les comptes, et détourne du temps précieux vers des tâches d’investigation.

Comment s’en protéger ?
La meilleure stratégie, c’est la prévention. Et cette prévention repose sur trois piliers : la rigueur, la transparence et la culture du doute.
Vérifier les documents avant tout paiement
Aucune facture ne devrait être réglée sans contrôle croisé. Comparer le devis, le bon de commande, et la facture finale : si une ligne ne correspond pas, on s’arrête. Cette vérification, aussi basique soit-elle, aurait évité des milliers d’arnaques.
Contrôler l’identité du fournisseur
Avant de payer un nouveau prestataire, vérifier son existence réelle. Les sites de l’INSEE, de la DGFiP ou la base européenne VIES permettent de vérifier le numéro de TVA et le statut juridique. Un coup de fil au bon interlocuteur peut aussi suffire à confirmer (ou infirmer) l’authenticité.
Former les équipes
Les services administratifs, comptables ou achats doivent être sensibilisés. Une courte formation, quelques cas concrets et un rappel régulier des procédures permettent souvent de désamorcer les fraudes avant qu’elles ne se concrétisent.
Utiliser des logiciels sécurisés
Les plateformes de facturation agréées assurent une traçabilité complète des documents. Elles authentifient l’émetteur, verrouillent les montants et archivent les échanges. Cela ne supprime pas le risque, mais le réduit considérablement.
Archiver toutes les preuves
Chaque document lié à une transaction (devis, contrat, e-mails, confirmations) doit être conservé. En cas de litige ou de contrôle fiscal, ces traces font foi.
Et si la fraude est déjà là ?
Il arrive qu’on se rende compte trop tard qu’on a été trompé. Le pire réflexe serait de se taire. Voici les étapes à suivre :
- Suspendre immédiatement le paiement si ce n’est pas déjà fait.
- Contacter le fournisseur officiel pour confirmer ou infirmer l’origine du document.
- Prévenir la direction et le service comptable.
- Informer la banque pour bloquer le virement si possible.
- Déposer plainte et conserver toutes les preuves numériques.
- Alerter l’expert-comptable ou le commissaire aux comptes pour corriger la comptabilité.
La rapidité d’action est essentielle : certaines banques peuvent encore intercepter un transfert dans les 24 heures suivant l’émission.
La fraude à la facture ne se nourrit pas de la complexité du système, mais de la confiance et de la routine. On se dit que tout est en ordre, qu’on a déjà payé ce fournisseur cent fois. C’est justement cette habitude qui rend les entreprises vulnérables.
La vigilance ne se décrète pas ; elle s’entretient. Elle commence par des gestes simples, une vérification, une question posée avant un virement. Et surtout, elle doit devenir collective. Quand chaque collaborateur, du stagiaire au directeur, comprend qu’une fausse facture peut coûter des milliers d’euros, la prévention devient réflexe.
FAQ – Fausses factures
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Qu’est-ce qu’une fausse facture ?
Un document comptable falsifié, inventé ou modifié pour tromper : prestation inexistante, montant altéré, coordonnées bancaires changées. Elle sert souvent à encaisser indûment, maquiller une dépense ou éluder l’impôt.
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Quels risques légaux j’encours si je l’émets ou l’utilise ?
La fausse facture relève de la fraude et du faux : jusqu’à 5 ans d’emprisonnement, fortes amendes, redressements fiscaux et responsabilité du dirigeant. Des interdictions de gérer peuvent s’ajouter selon la gravité.
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Quels signaux permettent de la repérer rapidement ?
Mentions légales manquantes, mise en page approximative, montants inhabituels, urgence à payer, changement soudain de RIB, adresse e-mail proche de l’officielle mais différente. En cas de doute, appeler le fournisseur connu.
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Que faire si j’ai déjà payé une fausse facture ?
Contacter immédiatement la banque pour tenter de bloquer le virement, prévenir la direction/finance, réunir les preuves (e-mails, PDF, logs), déposer plainte et informer l’expert-comptable pour retraiter la comptabilité.
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Comment prévenir ce type de fraude dans mon entreprise ?
Instaurer une double validation avant paiement, vérifier SIRET/TVA, comparer devis-bon de commande-facture, former les équipes, utiliser un logiciel de facturation fiable et archiver systématiquement les pièces.
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Une entreprise trompée de bonne foi peut-elle être sanctionnée ?
Oui, la négligence peut être retenue. La vigilance minimale est exigée : procédures écrites, contrôles croisés et traçabilité réduisent le risque juridique et montrent la bonne foi en cas de contrôle.
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Existe-t-il des outils pour sécuriser mes factures ?
Les solutions de facturation professionnelles (archivage, contrôle des mentions, journal des modifications) et la vérification des identifiants (INSEE, VIES) abaissent drastiquement le risque d’acceptation d’une fausse facture.