Dès 2026, les entreprises françaises soumises à la TVA vont devoir s’adapter à une nouvelle réalité : la généralisation de la facturation électronique. Ce n’est pas juste une évolution technique, c’est un tournant structurant dans la manière dont les échanges commerciaux seront encadrés. Objectif affiché : fluidifier les flux, renforcer les contrôles fiscaux, alléger les processus.
Mais derrière cette modernisation, une architecture se met en place — et elle repose sur trois piliers. Le Portail Public de Facturation (PPF), les Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP), et les Opérateurs de Dématérialisation (OD). Chacun a un rôle bien distinct. Et comprendre cette répartition, ce n’est pas un luxe : c’est essentiel pour éviter les mauvaises surprises.

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Pourquoi cette réforme devient incontournable ?
Trois objectifs, un même cap
Cette transformation ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une volonté européenne d’uniformiser les pratiques fiscales tout en suivant la logique du “tout numérique”. En France, on peut résumer ses ambitions en trois axes :
- Réduire les fraudes à la TVA
Grâce à la transmission automatique des données, l’État dispose d’un meilleur contrôle. Les manipulations deviennent plus difficiles, les failles se referment. - Simplifier le quotidien des entreprises
Adieu certaines tâches chronophages. La suppression des traitements papier et l’automatisation de la déclaration TVA (qui sera à terme préremplie) pourraient bien changer la donne pour beaucoup de structures. - Fluidifier les échanges entre entreprises
Avec un système unifié, les délais se raccourcissent, les erreurs diminuent, et les coûts administratifs baissent. Une gestion optimisée, en somme.
Un calendrier à ne pas perdre de vue
La réforme s’appliquera par étapes. En voici les deux principales :
- Juillet 2025 : toutes les entreprises devront être en capacité de recevoir des factures électroniques.
- À partir de 2026 : l’émission de factures deviendra progressivement obligatoire, selon la taille de l’entreprise.
Les trois acteurs au cœur du dispositif
Le PPF – Portail Public de Facturation
Le PPF, piloté par l’État via Chorus Pro, est l’épine dorsale du nouveau système. Il agit comme une interface entre les entreprises et l’administration.
Ses fonctions principales :
- recevoir, transmettre, stocker des factures au format structuré,
- permettre une relation directe avec l’administration, sans intermédiaire.
Ce canal est souvent utilisé par les petites structures, celles qui n’ont pas forcément les moyens ou le besoin de passer par des prestataires. Mais dans des contextes plus complexes, il montre vite ses limites.
Les PDP – Plateformes de Dématérialisation Partenaires
Les PDP sont des acteurs privés, mais pas n’importe lesquels : ils sont agréés par l’administration. Leur champ d’action est large :
- elles peuvent générer, recevoir, transformer les factures électroniques selon les formats requis,
- et surtout, elles sont habilitées à transmettre directement les données fiscales à l’administration, ce que ne peuvent pas faire tous les prestataires.
Ce sont des partenaires de choix pour les entreprises équipées de systèmes ERP ou ayant un volume important de factures à traiter. En clair, pour les structures où la fluidité et l’intégration sont critiques.
Les OD – Opérateurs de Dématérialisation
Enfin, les OD viennent compléter l’écosystème. Ils ne sont pas agréés comme les PDP, mais ils remplissent un rôle technique non négligeable.
Leur mission :
- préparer et acheminer les factures vers une PDP ou directement vers le PPF,
- assurer une interface opérationnelle entre les outils internes de l’entreprise (souvent un logiciel comptable) et les plateformes de facturation.
Ils sont souvent utilisés par des PME ou des éditeurs de logiciels comptables qui cherchent une solution simple, efficace, et davantage adaptable, sans se lancer dans un processus d’agrément complexe.
Comparatif : qui fait quoi entre le PPF, la PDP et l’OD ?

Trois dispositifs, trois logiques d’usage
Quand on parle de facturation électronique, difficile de passer à côté de trois sigles clés : PPF, PDP, et OD. Mais entre ce que chacun peut faire, ce qu’il a le droit de faire, et ce qu’il est censé faire… les lignes ne sont pas toujours claires. Voici une vue d’ensemble, sans jargon inutile.
- Le PPF, c’est le portail public, géré directement par l’État. Il est ouvert à tous, gratuit, mais avec des fonctions limitées. Sa force, c’est sa simplicité.
- Les PDP, elles, sont des plateformes privées, mais labellisées par l’administration. Elles ont carte blanche pour envoyer les données fiscales sans passer par le portail public. En clair, elles offrent plus de possibilités – mais c’est payant.
- Enfin, les OD, ce sont les acteurs techniques : des outils (souvent intégrés aux logiciels de gestion) qui facilitent la création et l’envoi des factures. Eux, en revanche, ne peuvent pas envoyer directement les données fiscales à l’administration. Ils servent d’interface.
Ce qu’il faut retenir, point par point
- Statut juridique
Le PPF est public, les PDP sont agréées, les OD ne le sont pas. - Lien avec l’administration fiscale
Seuls le PPF et la PDP peuvent transmettre les données fiscales. L’OD, non. Il doit s’appuyer sur l’un des deux. - Capacité à gérer des factures
Les trois le permettent : on peut émettre, recevoir et traiter une facture avec n’importe lequel. Mais la flexibilité change. - Conversion des formats
Le PPF gère quelques formats standards, mais pas plus. La PDP est plus souple (multiformat), tandis que l’OD dépend des capacités du logiciel qui l’héberge. - Adaptation à la taille de l’entreprise
Pour une TPE, le PPF suffit. Pour une entreprise avec un ERP multisite, une PDP devient quasi indispensable. - Fonctionnalités annexes
Le PPF va droit au but. La PDP, elle, peut s’intégrer à un ERP, générer des reportings, automatiser des flux… L’OD, ça dépend. - Budget
PPF = gratuit. PDP = payant. OD = généralement intégré dans le coût du logiciel métier.
Trois cas très concrets pour s’y retrouver
1. Une petite entreprise, pas d’ERP, pas de logiciel compliqué
Exemple typique : un artisan ou une TPE qui émet peu de factures.
Ce qui marche le mieux : le PPF.
Elle peut se connecter sur Chorus Pro, saisir ses factures, et c’est terminé. C’est manuel, mais ça fonctionne, sans coût.
2. Une PME qui utilise déjà un logiciel comptable
Exemple : une entreprise avec Sage, EBP, ou équivalent.
Solution naturelle : OD + PPF.
Le logiciel gère les factures. Il les envoie via son propre module OD, qui s’interface avec le PPF pour faire suivre les données. C’est fluide et assez peu contraignant.
3. Une entreprise de taille intermédiaire ou un grand groupe
Exemple : une société multisites avec un ERP comme SAP.
Approche recommandée : PDP.
Ici, l’enjeu, c’est l’automatisation complète, la compatibilité avec plusieurs formats, et la capacité à gérer des volumes importants. Une PDP assure tout cela, en direct, sans passer par le PPF.
Choisir le bon outil : ce qu’il faut vraiment regarder
Le choix ne se fait pas au hasard. Plusieurs éléments entrent en jeu :
- La taille de l’organisation
Plus c’est gros, plus il faut du sur-mesure. Les grandes entreprises doivent oublier le PPF. - Le volume de factures
Quelques dizaines par mois ? Le PPF ira très bien. Des milliers ? Il faudra automatiser. - Ce qui est déjà en place
Certains logiciels proposent une connexion native avec un OD. Autant partir de là, plutôt que tout refaire. - Le budget
Il y a un écart entre la solution gratuite et une plateforme partenaire haut de gamme. Mais ce coût peut vite être amorti par les gains en temps.
Finalement, d’après votre profil :
- Microentreprise : le PPF fera largement l’affaire.
- PME déjà numérisée : OD intégré au logiciel + PPF peut suffire.
- Groupe structuré : PDP obligatoire, pour connecter tous les flux.
Se préparer maintenant : un passage obligé
Voici un plan simple pour ne pas subir la réforme, mais la piloter.
- Cartographier les flux actuels
Qui envoie quoi, à qui, comment ? Où sont les doublons, les retards, les points faibles ? - Faire l’inventaire des outils
Logiciels comptables, CRM, ERP… Tous doivent être compatibles ou adaptables. - Choisir le bon prestataire
Les PDP immatriculées seront publiées par la DGFIP. Il vaut mieux anticiper les demandes. - Former les équipes
Ce n’est pas qu’un sujet IT. Vos collaborateurs doivent comprendre ce qu’ils font et pourquoi. - Planifier les étapes
Intégration technique, tests, bascule progressive : rien ne doit être laissé au hasard.
La généralisation de la facturation électronique, ce n’est pas juste une nouvelle obligation. C’est un changement de culture dans la gestion des échanges. Ceux qui s’y préparent y verront un levier de performance. Les autres risquent de courir après les délais.